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Recherche Economie Circulaire

Publié le 24 juin 2020 Mis à jour le 24 juin 2020

Symbioses industrielles, bioéconomie circulaire, villes durables, modélisation en dynamique des systèmes

La compréhension contemporaine de l'économie circulaire (EC) s'appuie sur une abondante littérature conceptuelle et théorique allant de ses applications pratiques dans les processus industriels à ses effets macroéconomiques. Geissdoerfer et al. (2017) ont défini l'économie circulaire comme un système régénérateur dans lequel les ressources, les déchets, les émissions de CO2 et les flux d'énergie sont minimisés en ralentissant, fermant et rétrécissant les boucles de matériaux et d'énergie, grâce à une conception, une maintenance, une réparation, une réutilisation, une remise à neuf, un reconditionnement et un recyclage durables. Prieto-Sandoval et autres (2018) considèrent que l’économie circulaire est un changement de paradigme qui exige des industries, des décideurs politiques et des consommateurs qu'ils innovent dans leur façon de produire, de légiférer et de consommer. L’économie circulaire aborde les matériaux sous deux angles (EMF, 2012) : (a) les nutriments biologiques, qui devraient à terme réintégrer la biosphère sans causer de dommages -, et (b) les nutriments techniques, qui circulent dans l'économie. Afin de promouvoir le passage d'économies de production linéaires traditionnelles à un comportement circulaire, la CE suggère que toute activité industrielle soit réalisée en utilisant les flux de déchets comme intrants, en adoptant des sources d'énergie renouvelables et propres et en concevant les extrants de manière à permettre la collecte, le recyclage, la remise à neuf, la réutilisation, la redistribution, l'entretien et le partage tout au long de leur durée de vie (CEM, 2014, 2015, 2016, 2017). En outre, la CE suggère également que les flux monétaires qui imprègnent les matériaux en circulation reflètent directement les coûts biophysiques de leur extraction, transformation, utilisation et réinsertion dans l'économie ou la biosphère, en minimisant autant que possible la spéculation afin de protéger la rentabilité du modèle (Pinto, Sverdrup, Diemer, 2019). En 2012, l'Europe s'est engagée à appliquer l’économie circulaire comme modèle économique, favorisant une transition vers des pratiques économes en ressources qui conduiraient à terme à des progrès régénérateurs vers la nature (CEM, 2015, 2018, 2019).

La Fondation Ellen MacArthur a joué un rôle important non seulement dans la popularisation du concept dans les années 2010, mais aussi dans le développement de nombreux outils d'économie circulaire pour les entreprises, les universités et les décideurs politiques. L'économie circulaire est définie comme “an industrial system that is restorative by intention and design. In a circular economy, products are designed for ease of reuse, disassembly and manufacturing – or recycling – with the understanding that it is the reuse of vast amounts of material reclaimed from end-of-life products, rather than the extraction of new resources, that is the foundation of economic growth” (EMF, 2012). D'un point de vue pratique, ce qui a le plus retenu l'attention de l'industrie sont les concepts au sein de la CE, dont certains sont empruntés au précédent cadre de l'économie verte : Biomimétique, cradle to cradle design, éco-étiquetage et écologie industrielle (Winans et al., 2017 ; CEM, 2013).

En décembre 2019, la Commission européenne a proposé un "European Green Deal" (EGD) pour l'Union européenne et ses citoyens (Commission européenne, 2019). Cet engagement est une nouvelle stratégie de croissance qui vise à transformer l'UE en une société équitable et prospère, dotée d'une économie moderne, économe en ressources et compétitive, découplée de l'utilisation des ressources et devant devenir neutre en carbone d'ici 2050. Une feuille de route des principales politiques et mesures nécessaires à la réalisation du pacte vert européen a été présentée et aujourd'hui, l’économie circulaire fait partie intégrante de la stratégie de la Commission visant à mettre en œuvre l'agenda 2030 des Nations unies et les objectifs de développement durable. La figure suivante illustre les différents éléments du Green Deal.

Dans la communication sur le "Green Deal" européen, la Commission européenne s'est engagée à adopter un nouveau plan d'action pour l'économie circulaire afin d'accélérer et de poursuivre la transition vers une économie circulaire (COM 23/12/2019). Pour la Commission, l'économie circulaire est définie comme un "système économique dans lequel la valeur des produits et des matériaux est maintenue aussi longtemps que possible ; les déchets et l'utilisation des ressources sont réduits au minimum et les ressources sont maintenues dans l'économie lorsqu'un produit a atteint la fin de sa vie, pour être utilisées encore et encore afin de créer une valeur supplémentaire" (CE, 2012). En mars 2020, le plan d'action devait être associé à la stratégie industrielle de l'UE afin de mobiliser le secteur industriel et toutes les chaînes de valeur vers un modèle de croissance durable et inclusive. Des points de levier ont été identifiés : (1) s'éloigner d'une économie linéaire et atténuer les impacts associés sur l'environnement ; (2) stimuler la conception, la production et la commercialisation de produits durables ; (3) donner aux consommateurs les moyens de contribuer à l'économie circulaire ; (4) réduire la production de déchets et soutenir la modernisation de certaines lois sur les déchets ; (5) identifier des actions pour traiter les secteurs à fort impact (textile, construction, électronique, plastique) ; (6) intégrer les impacts sociaux et géographiques de l'économie circulaire ; (7) développer l'innovation et les opportunités d'investissement pour les modèles d'entreprises circulaires.

Le programme de recherche du Centre ERASME concernant l'économie circulaire, l'écologie industrielle et la bioéconomie s'articule autour de quatre thématiques : 

1° Alors que le Green Deal européen est proche d'une véritable transformation de l'économie européenne (le passage à une plus grande durabilité), l'économie circulaire a également entamé un processus similaire, qui peut être associé à un nouveau paradigme (Arnsperger, Bourg, 2016). Par paradigme, on entend une représentation du monde, une manière de voir le monde et de prendre de la distance par rapport aux pratiques habituelles. Le Centre Erasme entend engager une réflexion sur le volet "durabilité forte" de l'économie circulaire. Par ces termes, on entend, d'une part, que les flux de matière et d'énergie liés à nos activités humaines doivent être compatibles avec les frontières planétaires. D'autre part, que l'humanité doit fermer les boucles de notre écosystème au niveau macro.

2°  L'économie circulaire doit s'appuyer sur des relations symbiotiques pour atteindre l'état d'"industrie 6.0" ; l'étude des symbioses industrielles peut générer des synergies entre les acteurs de la sphère privée et publique, tout en proposant une relecture de la politique industrielle de l'Europe. Ces symbioses offrent des solutions locales de réduction des gaz à effet de serre. 

3° L'économie circulaire nécessite une "pensée systémique" et la création d'une boîte à d'outils (analyse du cycle de vie, diagramme flux - stocks, analyse input output, métabolisme, Toile Maker...). La dynamique des systèmes (system Dynamics) constitue une méthodologie appropriée pour analyser les boucles de rétroaction de l'économie circulaire. Deux champs interdépendants nous semblent particulièrement propices à la recherche : (i) le passage des villes et des territoires à une économie circulaire ; (ii) l'articulation de l'économie circulation avec les objectifs du développement durable (ODD). Ces deux champs rendent nécessaire la conception d'un outil d'évaluation des politiques publiques. 

4° L'économie circulaire doit relever de nouveaux défis, dont celui d'une économie de tempérance et de sobriété. De ce point de vue, elle devrait intégrer certains préceptes formulés par les tenants de la décroissance.